Raul Alfonsin, le premier président argentin élu démocratiquement après la sanglante dictature militaire des années 1976-1983, est mort d'un cancer, mardi 31 mars, à 82 ans. Le gouvernement a déclaré trois jours de deuil national.
Président entre 1983 et 1989, il avait gagné le respect de la communauté internationale pour avoir fait juger et condamner certains des militaires responsables de la mort et des tortures de milliers d'Argentins soupçonnés de sympathies à gauche pendant la dictature. Selon un rapport officiel, 11 000 personnes sont mortes ou disparues pendant la dictature. Le gouvernement a déclaré trois jours de deuil national.
Opposant de premier plan à la junte qui avait pris le pouvoir en 1976, il réussit sous la présidence à restaurer la respectabilité d'un pays qui avait été mis au ban de la communauté internationale pour ses coups d'Etat à répétition. "Que vous le vouliez ou non, vous êtes le symbole du retour à la démocratie", avait déclaré l'an dernier la présidente Cristina Fernandez Kirchner lors d'une cérémonie de dévoilement d'un buste de l'ancien président dans le palais présidentiel.
Il réussit à survivre à trois tentatives de soulèvement militaire, mais sa présidence s'est mal terminée. Son parti, le Parti radical, centriste, discrédité pour la gestion d'une crise économique, fut laminé lors du scrutin par le leader péroniste Carlos Menem. Raul Alfonsin avait alors quitté le pouvoir avec six mois d'avance dans une économie en pleine crise. A la fin de sa présidence, l'inflation avait atteint un record de 200 % par mois, ce qui avait suscité des pillages de supermarchés et des grèves. Le taux de pauvreté a plus que doublé sous sa présidence pour dépasser 25 %, tandis que la devise chutait de 95 % en quatre mois.
Militant politique dès sa prime jeunesse, Raul Alfonsin, né le 12 mars 1927 d'un père espagnol et d'une mère britannique, fut emprisonné trois fois, une fois par le gouvernement du président Juan Peron, puis deux fois pour avoir protesté contre un gouvernement militaire de la fin des années 60.
L'ancien président argentin Raul Alfonsin est mort, mardi 31 mars à Buenos Aires, à l'âge de 82 ans, d'un cancer du poumon. Il avait été le premier président élu démocratiquement après sept ans d'une sanglante dictature militaire (1976-1983).
12 mars 1927
Naissance à Chascomus (Argentine).
1972
Organise son propre courant au sein de l'Union civique radicale.
1983
Elu à la présidence de la République.
1984
Rapport sur les crimes de la dictature.
1985
Procès des chefs militaires.
1987
Une rébellion militaire débouche sur la loi dite du "devoir d'obéissance".
31 mars 2009
Mort à Buenos Aires.
Raul Alfonsin est né le 12 mars 1927 à Chascomus, dans la province de Buenos Aires, une région d'agriculteurs et d'éleveurs. Son père, le commerçant Serafin Raul Alfonsin Ochoa, était le fils d'un Espagnol républicain. Sa mère, Ana Maria Foulkes, était argentine du côté maternel et d'ascendance britannique par la branche paternelle. Au lycée militaire, le jeune Raul a été le collègue des futurs dictateurs Jorge Rafael Videla et Leopoldo Galtieri.
En 1950, Raul Alfonsin obtient son diplôme d'avocat à l'université publique. Mais il consacrera sa vie à la politique dans les rangs de l'Union civique radicale (UCR, centre gauche), le plus ancien parti d'Argentine, où il milite depuis 1946. En 1951, il est élu conseiller municipal et président du comité de l'UCR de Chascomus. Ensuite il sera élu député provincial, puis député national pour la province de Buenos Aires.
En septembre 1972, il rompt avec Ricardo Balbin, le chef historique de l'UCR, longtemps principal adversaire du général Juan Domingo Peron, ex-président de la République (1945-1955). M. Alfonsin fonda son propre courant à l'intérieur de l'UCR, le Mouvement pour la rénovation et le changement. Mais, en 1973, il perd les élections primaires de son parti en vue de l'élection présidentielle face à M. Balbin. C'est uniquement après la mort de M. Balbin, en 1981, que Raul Alfonsin parvient à la présidence de l'UCR.
Ses bonnes relations avec l'Internationale socialiste, son attachement à l'unité latino-américaine et en faveur de l'autodétermination des peuples en faisaient une référence à l'étranger. En 1975, il avait cofondé l'Assemblée permanente pour les droits de l'homme (APDH), une association pionnière dans son domaine en Argentine, qui a dénoncé les crimes commis par l'organisation parapolicière Triple A, dans les années 1970 et, plus tard, ceux commis par les militaires.
Raul Alfonsin a brigué la présidence de la République lorsque la dictature militaire a été obligée de se retirer, après sa défaite dans la guerre des Malouines (1982). Il a remporté le scrutin du 30 octobre 1983, avec 51,7 % des voix, contre le péroniste Italo Luder. C'était la première défaite des péronistes, au cours d'élections libres, dans l'histoire de l'Argentine.
Après avoir pris ses fonctions, le 10 décembre 1983, un des premiers gestes du président Alfonsin a été d'ordonner par décret, en 1984, le jugement des commandants des juntes militaires accusés de graves violations des droits de l'homme, qui ont fait 30 000 morts et disparus, selon les organisations de défense des droits de l'homme.
Ce procès historique, comparé à l'époque à celui de Nuremberg contre les nazis après la seconde guerre mondiale, lui a valu le respect dans son pays et à l'étranger. Auparavant, il avait créé la Commission nationale sur la disparition des personnes (Conadep), présidée par l'écrivain Ernesto Sabato. Les témoignages décisifs récoltés sur les crimes et les tortures commis par les militaires contre des opposants péronistes ou de gauche avaient été réunis dans le livre Nunca mas ("Jamais plus"). Ils avaient permis que les principaux chefs de la dictature soient condamnés à la prison à vie en 1985.
"LA MAISON EST EN ORDRE"
En avril 1986, Raul Alfonsin promulgua toutefois la loi dite du "point final", mettant un terme à toute poursuite pénale contre les militaires. L'héritage de la dictature était loin d'être mort. Pendant la semaine sainte de 1987, le chef de l'Etat affrontait le premier des trois soulèvements militaires conduits par les "carapintadas" (les visages peints, en référence au camouflage de guerre).
Le 19 avril 1987, depuis le balcon de la Casa Rosada, le palais présidentiel, il saluait pourtant des milliers de citoyens réunis sur la place de Mai pour défendre la démocratie : "Joyeuses Pâques, la maison est en ordre", lançait-t-il. Cette phrase, tristement célèbre, marquait en fait la victoire des mutins. Le président promulgua ensuite la loi dite du "devoir d'obéissance", qui permettra pendant des années aux militaires d'échapper à la justice. Ces lois d'amnistie ont été annulées, en 2003, sous le gouvernement du président péroniste Nestor Kirchner, ce qui a permis la réouverture des procès.
Sur le plan diplomatique, la présidence de Raul Alfonsin a donné le coup d'envoi du Mercosur, le marché commun de l'Argentine, du Brésil, du Paraguay et de l'Uruguay. Son gouvernement a également signé la paix avec le Chili, mettant fin au différend sur le canal de Beagle, à l'extrême sud du pays, qui avait amené les deux pays au bord de la guerre, en 1978.
Sur le plan économique, le gouvernement Alfonsin s'enlisa rapidement. Il n'affronta pas moins de 14 grèves générales lancées par la puissante Confédération générale du travail (CGT, péroniste). En février 1989, il dévalua le peso pour tenter en vain de lutter contre une hyper-inflation, qui atteignait 5 000 % par an.
Le taux de pauvreté a plus que doublé sous la présidence Alfonsin, pour atteindre 25 %. Après une vague de pillages dans des supermarchés, le président annonça à la télévision qu'il écourtait son mandat de cinq mois. Il remit le pouvoir, le 8 juillet 1989, au péroniste Carlos Menem, qui avait été élu, le 14 mai, avec 49 % des votes.
Raul Alfonsin continua à jouer un rôle important en tant que chef de l'UCR. En 1993, il signa le polémique pacte d'Olivos avec le président Menem (1989-1999), qui réformait la Constitution de 1994 et permettait la réélection présidentielle.
Depuis l'annonce de son décès, plusieurs milliers d'Argentins et des figures des principaux partis politiques lui ont rendu un hommage ému. Raul Alfonsin était respecté, jusque par ses ennemis, pour son honnêteté. Il n'avait jamais été impliqué dans des affaires de corruption.
En outre, il avait été un des rares hommes politiques à s'opposer à la guerre des Malouines, lancée par la dictature contre la Grande-Bretagne en avril 1982, la jugeant "une aventure démentielle" destinée à rehausser le prestige des militaires.
Lors du 25e anniversaire du retour à la démocratie, le 1er octobre 2008, la présidente péroniste Cristina Kirchner lui avait rendu hommage en dévoilant un buste de l'ancien président. Raul Alfonsin avait assisté à la cérémonie, déjà très malade.
Mardi, le gouvernement a déclaré un deuil national de trois jours. Le cercueil est resté exposé, mercredi, au Congrès. Raoul Alfonsin devait être inhumé, jeudi 2 avril, au cimetière de la Recoleta, dans le monument des victimes de la révolution de 1890, en attendant qu'un mausolée soit construit en son honneur dans le cimetière traditionnel de Buenos Aires, où repose Evita Peron. Le 2 avril est un jour férié commémorant le début de la guerre des Malouines, perdue par l'Argentine.
Marié à Maria Lorenza Barrenechea, Raul Alfonsin avait six enfants, 24 petits-enfants et 11 arrière petits-enfants.
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